« Les entreprises se focalisent encore trop souvent sur la sécurité, alors que les absences pour cause de maladie sont un problème bien plus important. »
En tant que dirigeant, comment abordez-vous le bien-être au travail de manière structurée ? Jan Van Peteghem a des années d’expérience en tant responsable de divers services de prévention dans de grandes entreprises de divers secteurs. Il travaille actuellement en tant que Prof. Em. à la faculté des Sciences de l’ingénieur de la KULeuven.
Pourquoi est-il nécessaire de s’adresser spécifiquement aux dirigeants ?
Je veux délibérément m’adresser à un groupe cible différent et tout aussi important. Les dirigeants ont également un rôle important à jouer dans ce domaine. Car si un dirigeant s’adresse au conseiller en prévention, il est généralement écrasé par toutes sortes d’obligations légales. Je plaide pour une approche très concrète de la prévention et du bien-être au travail. Il y a quelques semaines, les élections sociales ont eu lieu dans le secteur privé, et de nouveaux comités PPT (prévention et protection au travail) ont été créés pour la prévention et la protection. Souvent, on désigne alors un nouveau président du comité : l’employeur. Il doit orienter les discussions dans la bonne direction, en collaboration avec le conseiller en prévention interne.
Cette approche est-elle également utile en période de coronavirus ?
Le coronavirus est un tout nouveau domaine de la politique de prévention. Le bien-être au travail s’articule autour de sept thèmes, dont les risques de sécurité, mais aussi l’hygiène au travail. Dans ce dernier cas, il s’agit de la protection contre toutes sortes d’agents, tels que les substances chimiques, mais aussi le coronavirus. Notre réglementation actuelle fournit suffisamment d’outils pour travailler également à la protection contre le coronavirus, bien que les règles n’aient pas été spécifiquement écrites pour le coronavirus.
Quel est selon vous le problème le plus important dans les organisations en matière de politique du bien-être ?
La plupart des entreprises s’occupent principalement de la sécurité au travail, alors que d’autres questions sont en fait beaucoup plus importantes à l’heure actuelle. Pensez aux risques psychosociaux, comme le burn-out, et la crise du coronavirus. Pourquoi les entreprises se concentrent-elles principalement sur la sécurité au travail ? C’est tout simplement parce qu’un accident grave ou mortel a un impact immédiat énorme sur une entreprise. Alors que l’impact est moins immédiat si une personne meurt d’un cancer du poumon vingt ans après avoir été exposée à l’amiante.
Il y a aussi une raison financière pour laquelle les entreprises se concentrent actuellement davantage sur la prévention des accidents du travail que sur la prévention de l’absentéisme, par exemple. Premièrement, contrairement aux Pays-Bas, les employeurs de notre pays ne doivent verser un salaire en cas de maladie que pour une période limitée. Chez nos voisins du Nord, ils doivent le faire pendant deux ans et ce n’est qu’après que l’assurance maladie intervient. En conséquence, les employeurs s’y sentent beaucoup plus responsables de la prévention de l’absentéisme (à court terme). Mais l’attention prédominante accordée aux accidents du travail concerne aussi les primes d’assurance. La cotisation de l’entreprise à l’assurance maladie n’augmente pas proportionnellement si de nombreux travailleurs sont malades pendant de longues périodes. Alors que c’est le cas pour les accidents du travail. Ceux-ci sont assurés par des assureurs privés et ceux-ci suivent très attentivement les accidents du travail. Si vous avez beaucoup d’accidents du travail, votre prime augmente.
Quelle est votre recommandation spécifique pour les entreprises ?
Ma recommandation est que les autres domaines du bien-être au travail soient autant mis en évidence que l’aspect de la sécurité. L’absentéisme est en train d’augmenter d’une façon inquiétante. L’absentéisme de longue durée est pour une grande partie dû à des troubles musculo-squelettiques, c’est pourquoi il est si important de prêter attention à l’ergonomie, par exemple.
Pourquoi alors cette focalisation sur l’aspect de la sécurité ?
C’est parce que nous avons acquis dans ce domaine beaucoup d’expérience utile qui est en fait applicable aux autres domaines du bien-être au travail. Si vous êtes capable de gérer la sécurité, vous pouvez aussi gérer les autres domaines en utilisant les mêmes principes.
Quelles sont les 5 pistes dont les entreprises devraient tenir compte ?
Tout d’abord : les procédures d’onboarding. En d’autres termes : la bonne personne au bon endroit. Il est important de recruter des personnes qui correspondent à la culture de votre entreprise et qui ont également les capacités mentales et physiques nécessaires. Si vous ne le faites pas, vous retrouverez à la longue avec une personne au comportement inapproprié et souvent dangereux. Ceci ne s’applique pas seulement aux personnes, mais aussi aux machines : vous ne pouvez autoriser que des machines sûres dans votre entreprise.
Une deuxième piste consiste à enquêter sur les incidents et les accidents du travail après le sinistre et à examiner comment vous pouvez les éviter. Outre les accidents du travail, il s’agit ici aussi de cas de harcèlement, de burn-outs, d’empoisonnements, de contamination au coronavirus, etc.
La troisième piste concerne la maintenance. L’entretien correct des installations chimiques, par exemple, pour éviter les fuites. C’est un aspect de la sécurité généralement négligé.
Une quatrième piste est l’examen de conformité : les listes de contrôle pour vérifier si vous êtes en conformité avec le cadre légal, par exemple en matière de sécurité incendie.
Et enfin : l’analyse générale des risques. Même si je n’y crois pas vraiment personnellement, la législation lui accorde beaucoup de valeur. Il s’agit de dresser la liste des risques dans l’entreprise. C’est un objectif noble en soi, mais l’expérience montre que de très nombreuses entreprises ont des difficultés à le faire. Cela demande beaucoup de temps et d’énergie, mais cela ne rapporte pas grand-chose.